J'aime écrire et je le fais plus que de raison.

Un paysage désertique s’étendait à perte de vue. La végétation, pour ce qu’il en restait, se résumait à quelques maigres buissons faisant de la résistance face au climat aride qui sévissait dans la région. Le soleil, sans pitié, torréfiait le sol sec de ses rayons brûlants. Le sable se soulevait par moments en de gigantesques vagues ocres, mêlées aux bourrasques de vent. L’horizon ondulait sous la chaleur, effet d’optique agressif et énervant.
Comme dans une photographie, où le temps serait figé, un corps était étendu là. Couchée sur le ventre, la jeune femme respirait faiblement. Malgré les intempéries qui frappaient cette lande crue, elle avait survécue, rescapée d’une bataille qui avait fait rage il n’y a pas si longtemps. Autour d’elle, un amas de cadavre jonchait le sol. L’odeur était celle de la chair cuisant sous soleil, putride.
Son corps la faisait horriblement souffrir et elle ne pouvait se mouvoir. Chacun de ses membres pesaient une tonne et la terre calleuse engourdissait ses muscles, les atrophiait presque. La chaleur n’arrangeait pas les choses bien au contraire, elle l’étouffait plus que ses blessures ne le faisaient déjà. Sa peau, saignée à vif par endroit, la dardait à cause du sable qui s’introduisait dans ses plaies. Elle gardait ses yeux mi-clos, masquant à la luminosité aveuglante le turquoise de ses prunelles. Ses cheveux étalés tout autour de sa tête n’étaient plus remontés en queue de cheval parfaite et la couleur auburn qu’ils abordaient habituellement s’était transformée en une teinte brunâtre, salie par la poussière alentour.
Elle songeait. Beaucoup de choses lui passaient par la tête. Allait-elle mourir là, dans toute cette crasse ? Au fond d’elle, elle savait que ses coéquipiers remuaient ciel et terre pour la retrouver. Un doute persistait. Ce désert était si grand et jamais ils n’arriveraient à la retrouver à temps. Il serait bien trop tard, lorsqu’ils arriveraient elle serait déjà morte depuis belle lurette et allez savoir dans quel état si quelques coyotes passaient par là.
Il y avait tant de choses qu’elle aurait encore aimé faire, tellement de petits plaisir de la vie qui paraissent quelconques au premier abord mais quand la mort attend patiemment votre dernier souffle pour pouvoir vous emporter, oui c’est dans ces moments-là que tout prend de l’importance.
Elle aurait voulu rire à en avoir mal au ventre, juste une dernière fois. Puis, trouver tout un tas de courrier en rentrant de mission, voyager, voir des paysages magnifiques, écouter sa chanson favorite à la radio, réussir son dernier examen, observer un coucher de soleil, manger du chocolat à ne plus s‘arrêter, effectuer des tas de missions, se coucher dans son lit et écouter la pluie tomber au dehors, prendre part à une conversation intéressante, s’entraîner, manger des gâteaux au chocolat à en vomir, sortir de la douche et s’envelopper d’une serviette toute chaude, lire un livre palpitant, passer un bon moment avec ses amis, se réveiller en pleine nuit et voir qu’elle pouvait encore dormir quelques heures, retrouver de l’argent dans un vieux jeans non utilisé depuis longtemps ou encore, le regarder méditer, lui apporter des madeleines au citron - celles qu’il préfère -, porter l’une de ses vestes et humer son parfum… Être avec lui tout simplement et l’aimer à en crever. Il lui manquait tellement. Elle voulait tant le revoir, qu’il la regarde comme il savait si bien le faire, plonger son regard dans ses yeux d’encre et y déceler ce qu’il n’osait pas dire.
Le vent s’intensifia et fouettant son visage, souleva une quantité de sable impressionnante qui vint la recouvrir en partie. Elle avait l’odeur de la terre dans le nez et sa bouche était pâteuse et ensablée. Son esprit s’engourdissait. Le bruit du blizzard ne lui parvenait que par bride comme dans une vieille radio et qu’il y avait eu un mauvais contact, que le son n‘arrivait que par épisode en grésillant. Sa vision, déjà amoindrie, devint flou et elle ne perçut bientôt que de vagues formes. Les nuages qu’elle devinait vaguement dans le ciel lui parurent de plus en plus lointains et un point noir finissait d’apparaître au centre de son champ visuel. La température avait nettement baissée, comme il en est de coutume dans les déserts lorsque la nuit tombe. Elle commençait à trembler de froid (ou était-ce parce que son corps atteignait ses dernière limites ?), ses lèvres prirent une couleur bleutée inquiétante ; alors que les heures passaient, le soleil s’en allait la laissant choir dans la poussière.
La nuit maintenant tombée, la jeune femme croyait que son supplice ne s’achèverait jamais et elle en venait parfois à penser que tout serait tellement plus simple si la mort venait prendre son dû et mettait un terme à son calvaire, une bonne fois pour toute… C’est alors qu’elle sentit quelqu’un la soulever, glisser une main derrière sa nuque et la prendre dans ses bras. La personne lui murmura à l’oreille. Son souffle était chaud et étrangement, la chaleur de ses bras l’apaisa. Elle ne comprit pas ce qu’il lui dit mais lorsqu’elle ouvrit les yeux elle distingua une silhouette étrangement familière et rassurante. C’était lui, il était là. Usant des dernières forces qui l’habitaient, elle vint se blottir au cœur de ses bras, lesquels formèrent un cocon tout chaud autour de son corps meurtri et glacé ; et, doucement, elle sombra dans l’inconscience.